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Désordres et malfaçons : quand le code civil garantit le consommateur contre les vices de construction

Le contrat par lequel une entreprise s’engage envers un consommateur à réaliser un ouvrage quelconque (construction, consolidation, réparation, amélioration, etc …) peut donner lieu à des désordres. Qu’ils proviennent d’une mauvaise conception ou d’une mauvaise exécution, ces vices sont à la source d’un contentieux très abondant. Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas le code de la consommation mais bien le code civil qui, dans cette hypothèse, garantit le consommateur contre de tels désordres…

L’article 1792-6 du code civil dispose une « garantie de parfait achèvement » à laquelle tout entrepreneur est tenu dans un délai d’un an à compter de la réception de l’ouvrage. Le formalisme présidant à la mise en jeu de cette garantie diffère selon que les désordres se soient révélés antérieurement ou postérieurement à la réception des travaux.

Dans la première hypothèse, le consommateur doit mentionner ces désordres au sein du procès verbal de réception des travaux. Par cette mention, il formule des «  réserves » au sens de la disposition précitée. Dans la seconde hypothèse, le consommateur doit notifier ces désordres à l’entrepreneur, ce par écrit. Bien que la loi ne l’exige pas expressément, il faut conseiller aux consommateurs de notifier ces désordres au moyen d’une lettre recommandée avec accusée de réception. Ainsi se réserveront-ils la preuve du respect de la forme écrite de cette notification mais, également, de la bonne réception de celle-ci.

Dès lors que ce formalisme a été respecté par le consommateur, il est en droit d’exiger la réparation de tous les désordres, ce sans aucun frais.

La loi prévoit que cette réparation doit intervenir dans le délai convenu entre le consommateur et le professionnel. À cet égard, il faut souligner la portée du quatrième alinéa de l’article 1792-6 du code civil. En effet, à défaut d’accord, et après mise en demeure infructueuse, le consommateur peut faire exécuter les travaux par une entreprise concurrente, ce aux frais et risques de l’entrepreneur défaillant ! La même solution prévaut en cas d’inexécution dans le délai convenu.

Deux tempéraments doivent toutefois être soulignés pour la parfaite information de nos lecteurs.

D’abord, la garantie de parfait achèvement ne s’étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l’usure normale ou de l’usage.

Ensuite, le consommateur est forclos dans sa prétention à invoquer cette garantie une fois passé le délai d’un an à compter de la réception des travaux. Or, et c’est là la difficulté, il est fréquent que l’entreprise ne réalise pas un mais, au contraire plusieurs ouvrages. Tel serait le cas si une entreprise réalise, par exemple, des travaux de plomberie mais, également, la pose d’une cuisine. Comment déterminer la date de réception des travaux en cette hypothèse ? La jurisprudence de la Cour de cassation semble placer la question entre le marteau et l’enclume …

Le marteau est le principe dit « d’unicité de la réception ». Au terme de ce principe, il ne peut y avoir réception partielle à l’intérieur d’un même lot (en ce sens, V° notam. Cass. civ. 3ème, 2 févr. 2017, n° 14-19.279, à paraître au Bulletin, RGDA 2017, p. 129, note Dessuet). Dès lors qu’un lot n’est pas intégralement réceptionné, le délai disposé à l’article 1792-6 du code civil ne commence pas à courir.

L’enclume est incarnée par la position constante de la Haute Juridiction selon laquelle la réception des travaux peut se faire … en plusieurs réceptions distinctes, ce à condition qu’elles portent sur des lots distincts (en ce sens, V° notam. Cass. 3ème civ., 2 mars 2011, n° 10-15.211, Bull. civ. III, n° 27. ‑ RDI 2011, p. 287, obs. Malinvaud). Autrement dit, lorsqu’une entreprise achève plusieurs lots distincts, chaque lot se voit appliquer un délai d’un an … à compter de sa propre réception.

Toute la question est donc de déterminer si les ouvrages achevés constituent, ou ne constituent pas, des lots distincts.

En la matière, un court exemple vaut peut-être mieux qu’un long discours.

Voilà un consommateur ayant réceptionné un ouvrage de maçonnerie le 1er janvier de l’année N mais, également, la pose d’une cuisine le 31 janvier de cette même année. Ces travaux ont été le fait de la même entreprise. Quid de la garantie de parfait achèvement au jour du 31 décembre de l’année N-1 ? Quid de cette même garantie au jour du 15 janvier de l’année N+1 ?

Le 31 décembre de l’année N-1, le délai disposé à l’article 1792-6 du code civil n’a pas commencé à courir de sorte que le consommateur ne peut invoquer le bénéfice de cette disposition.

Le 15 janvier de l’année N+1, le consommateur sera forclos dans sa prétention à invoquer la garantie de parfait achèvement de la maçonnerie … mais pas celle afférente à la pose de la cuisine !

Mais entre le marteau et l’enclume, tout n’est-il pas contentieux ?