UFC-Que Choisir de Côte d'Or

Consommation Responsable

Commerce : l’adieu au bon vieux ticket de caisse

À compter du 1er janvier 2023, les tickets de caisse, les facturettes de CB et les bons d’achat ne seront plus systématiquement imprimés

« Est-ce que vous voulez le ticket de caisse ? » La question vous est posée de plus en plus fréquemment lorsque vous faites vos courses en grande surface. Bientôt cependant, ce ne sera plus le cas. À compter du 1er janvier 2023, selon les dispositions de l’article L. 541-15-10 du Code de l’environnement, les tickets de caisse, les facturettes de carte bancaire ainsi que les bons d’achat ne seront plus imprimés automatiquement. Les professionnels pourraient toutefois toujours vous proposer de les éditer.

Alors, totalement ringard, le ticket ? Les tonnes de papier utilisées ainsi chaque année nuiraient à l’environnement, tandis que le coupon lui-même contiendrait des perturbateurs endocriniens, dangereux pour notre santé. D’où cette décision de le supprimer. Ce n’est pas une blague ! mais un amendement très sérieux qui découle de la loi dite « antigaspi » pour une économie circulaire. Celle-là même qui a déjà interdit les sacs et couverts en plastique à usage unique, et qui vise la suppression des emballages dans le même matériau, tels que les blisters autour des piles et des ampoules, d’ici à fin 2025. En bons élèves, Carrefour comme Système U ont anticipé ; les deux enseignes ne sortent plus de ticket de caisse dans quelques magasins pilotes. Les calculs ont été faits. Chez Système U, on constate qu’en moyenne, 40 % des clients répondent ne pas en vouloir si on le leur demande lors du passage en caisse. À terme, ce pourcentage, rapporté au 1,2 million de bobines employées par U pour éditer les factures, pourrait représenter chaque année une économie de 44 077 km de papier, soit un peu plus que la circonférence de la planète… Vu sous cet angle, l’enjeu interpelle.

Une preuve d’achat utile ?

« La suppression de l’impression systématique est aussi une question de santé, plaide Patricia Mirallès, députée de la première circonscription de l’Hérault et à l’origine de cet amendement. J’ai appris, en lisant une étude scientifique japonaise datant de 2006, que les tickets de caisse contenaient du bisphénol F ou S, un perturbateur endocrinien qualifié de dangereux pour la santé et l’environnement, poursuit la parlementaire. Je me suis alors dit qu’ils n’étaient pas nécessaires pour de petites sommes, notamment quand vous achetez un café ou que vous passez à la boulangerie. C’est d’autant plus inutile que la plupart du temps, vous jetez votre ticket aussitôt après l’avoir reçu ! »

Du côté des associations de consommateurs, dont l’UFC-Que Choisir et l’Association Force ouvrière consommateurs (Afoc), le point de vue est tout autre. « Le ticket de caisse s’avère bien souvent, pour le consommateur, un élément de vérification de ses achats, mais pas seulement. Il sert également de preuve en cas de défaut du produit acheté, ou bien tout simplement si l’on souhaite échanger ou se faire rembourser un article », indique Matthieu Robin, chargé d’étude à l’UFC-Que Choisir. Avec la suppression des coupons papier, l’association relève également un risque accru de fraudes et de litiges. « Cela concernerait notamment le sans-contact, précise Matthieu Robin. Sur les terminaux de paiement, il est tout à fait possible que le commerçant tape le montant à payer sans que le client le voie s’afficher. Le ticket est alors son seul moyen de vérifier qu’il règle bien la somme qu’il doit au professionnel. » Il en va de même pour les facturettes de carte bancaire. Si l’acheteur en exprime la demande, une solution pourrait être de lui envoyer son ticket de caisse via sa messagerie Internet. « Mais aujourd’hui encore, tous les consommateurs ne disposent pas d’un accès numérique », rétorque le chargé d’étude de l’UFC-Que Choisir.

Bénéfice incertain

Quant à l’effet positif pour la planète, il n’est pas certain. L’e-mail est une façon rapide et pratique de communiquer, mais son utilisation n’est pas sans conséquence pour l’environnement. Accompagné d’une pièce jointe, un courriel émet 19 g de CO2. Pris individuellement, l’impact est faible, mais quand on le multiplie par 34 millions de messages envoyés toutes les heures (sans compter les spams !), il en va tout autrement… Autre problème soulevé : si la fin de l’impression systématique du ticket de caisse prévue dans les textes laisse au client la responsabilité de demander une preuve d’achat écrite, l’enseigne doit, pour sa part, recueillir ses données personnelles, notamment son e-mail. « Cela peut laisser craindre au consommateur qu’on les utilise pour d’autres fins. Qui lui dit que, demain, il ne recevra pas, avec son ticket de caisse, une promotion sur un produit ou toute autre publicité ? », souligne Matthieu Robin. Jean-Michel Chanavas, délégué général de Mercatel, une association spécialisée dans le suivi des évolutions technologiques des moyens de paiement dans le commerce, complète : « Il faudrait proposer au particulier un formulaire à cocher, où il devrait indiquer clairement s’il autorise ou non l’usage multiple de ses données personnelles. Or, si investir dans de nouvelles solutions technologiques est assez facile pour les enseignes de la grande distribution, pour le commerçant de quartier, déjà noyé par les contraintes administratives et celles liées au covid, cela risque d’être le coup de grâce. » De toute évidence, la mesure est loin de faire l’unanimité, du côté des professionnels comme des consommateurs…

Source quechoisir.org du 03/01/2022