Halte à l’obsolescence programmée !
L’association HOP (halte à l’obsolescence programmée) dépose une plainte au parquet de Nanterre contre Epson, Canon, Brother et HP.
Dans son édition du mercredi 27 septembre 2017, un célèbre journal satirique nous informe que l’association HOP (halte à l’obsolescence programmée) a déposé une plainte au parquet de Nanterre pour obsolescence programmée (Le Canard Enchainé, « Les fabricants d’imprimantes se prennent une cartouche »)…
Selon les informations du journal, ladite association fait grief à Epson mais, également, à Canon, à Brother ainsi qu’à HP d’avoir dissimulé dans leurs cartouches une puce bloquant l’impression et indiquant que le réservoir serait vide alors que, en réalité, il y resterait encore entre 20 et 50 % d’encre.
La pratique dite de l’obsolescence programmée ne peut être efficacement combattue par les mécanismes classiques tirés du Droit civil que sont la théorie des vices du consentement, celle des vices cachés et même par l’obligation de délivrance conforme (sur la question, V° notam. Dupont, « Peut-on en finir avec l’obsolescence programmée ? », CCC 2014, étude n° 10). Pire encore, jusqu’au vote de la loi n° 2015‑992 du 17 août 2015, cette pratique ne pouvait pas être efficacement combattue par … le Droit de la consommation ! Pourtant, hier comme aujourd’hui, l’instauration d’une répression pénale de l’obsolescence programmée présente au moins deux vertus.
D’une part et sur un plan strictement individuel, il s’agit de « protéger le consommateur contraint de remplacer un produit qu’il aurait dû ou, à tout le moins, pu conserver » (Martin, « Le délit d’obsolescence programmée », D. 2015, p. 1944). D’autre part, et sur un plan plus sociétal, il s’agit d’entraver les provocations techniques à la surconsommation et, corrélativement, de promouvoir le développement d’un modèle économique plus durable (Sur la question, V° notam. Trébulle, « Pour une » production durable » : vers la fin de l’obsolescence programmée et l’économie de la fonctionnalité ? », Environnement 2013, repère n° 5).
Le délit d’obsolescence programmée sera instauré par la loi n’° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique et pour la croissance verte. Aujourd’hui codifié à l’article L. 441-2 du code de la consommation, l’obsolescence programmée se définit par « le recours à des techniques par lesquelles le responsable de la mise sur le marché d’un produit vise à en réduire délibérément la durée de vie pour en augmenter le taux de remplacement ». Ce délit est puni d’une peine de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 300 000 euros. Ajoutons que, outre les peines complémentaires, le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 5 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits.
Que penser de ce délit ?
D’abord, force est de constater que la détermination objective de la durée de vie d’un produit est, en pratique, extrêmement délicate. Du reste, la loi se garde bien de définir les modalités de cette détermination, préférant ainsi autoriser que des « expérimentations », lancées « sur la base du volontariat […] contribuent à la mise en place de normes partagées par les acteurs économiques des filières concernées sur la notion de durée de vie » (C. envir. art. L. 541-1, I, 2°). À défaut d’une référence objective commune, comment distinguer l’obsolescence non préméditée de celle qui a été délibérément programmée ? Nul doute que la sagacité des magistrats sera ici mise à contribution.
Ensuite, et même à disposer d’une référence objective commune, la preuve que le responsable de la mise sur le marché a délibérément réduit la durée du produit peut s’avérer extrêmement complexe et, en tout état de cause, demeurer généralement hors de portée du consommateur moyen. Elle le sera, à plus forte raison encore, lorsque le consommateur n’aura pas les moyens de faire expertiser le produit.
Un auteur a pu conclure, de manière très optimiste, que « malgré tout, le nouveau délit pourrait avoir des vertus » pédagogiques « , et par là même dissuasives, sur les fabricants qui craignent avant tout la mauvaise publicité plus que les lourdes peines délictuelles encourues » (V° le commentaire sous l’article L. 441-2 du code de la consommation paru aux éditions Dalloz). S’il n’est pas certain que pédagogie et dissuasion fassent toujours bon ménage, il est en revanche acquis que la vocation dissuasive du Droit est, en matière pénale, une douce illusion (Sur la question, V° notam. DOOB, WEBSTER, « Sentence Severity and Crime : Accepting the Null Hypothesis », in : Crime and Justice : A review research, University of Chicago Press, 2003. ‑ PICCA, La criminologie, PUF, 2009).